dernière
modification le
|
|||||||||
|
PLANS
D’INTERVENTION MILITAIRE DANS L’ÎLE La Havane. 22 septembre 2003 : • La campagne disproportionnée déclenchée contre le gouvernement de Cuba après la répression d’opposants nous amène à présenter ce texte, qui dénonce les craintes cubaines fondées d’une tentative de déstabilisation massive PAR PASCUAL SERRANO, pris du Monde diplomatique Plus personne ne met en doute aujourd’hui le fait que la nouvelle politique extérieure de l’administration Bush repose sur l’interventionnisme militaire, sans respect aucun ni des institutions internationales ni de l’opinion publique mondiale. L’excuse de la lutte contre le terrorisme a été un alibi parfait pour un changement de politique; la menace du communisme durant la guerre froide. D’autres ont été moins efficaces, comme la lutte contre le trafic de stupéfiants. Le silence des Nations unies après l’invasion de l’Irak, la mise au pas de l’Union européenne (UE) et le contrôle de fer que le gouvernement nord-américain maintient dans la plupart des pays arabes par le biais de dictatures fantoches, lui garantit l’impunité. Les États-Unis ne cessent d’envoyer des ballons-sondes sur leurs prochains objectifs militaires. Fondamentalement la Syrie, la Corée, l’Iran et Cuba. De même qu’ils l’ont fait en Irak, la stratégie consiste à semer dans les institutions internationales, les gouvernements amis et l’opinion publique internationale le germe de la complicité contre le terrorisme international des pays menacés d’intervention, sous l’accusation de dictature et violation des droits de l’homme. Il ne fait aucun doute que cette campagne contre Cuba se développe à un rythme accéléré. Voyons comment. Le 30 avril dernier, dans le rapport annuel Patrons du terrorisme mondial, le gouvernement des États-Unis inscrit à nouveau Cuba dans la liste des pays qui protègent le terrorisme au niveau international, avec l’Irak, l’Iran, la Syrie. Le Soudan, la Libye et la Corée du Nord. Le rapport affirme que bien que bien que Cuba ait signé les 12 conventions et protocoles internationaux contre le terrorisme, et le Soudan 11, les deux pays continuent de soutenir des organisations internationales considérées comme terroristes. Un fait hautement paradoxal lorsqu’on sait que Cuba, à quatre reprises, a proposé officiellement aux États-Unis la signature d’un Programme bilatéral de lutte contre le terrorisme, ce que le voisin du Nord a toujours refusé. N’oublions pas non plus les déclarations du vice-président Dick Cheney le jour de l’occupation de Bagdad, lequel a affirmé que c’était là un message clair en direction de tous les pays pratiquant le terrorisme. De son côté, en mai 2002, le sous-secrétaire d’État, John Bolton, accusait Cuba de posséder un programme d’armes biologiques. Et il faut souligner d’autre part de nombreuses déclarations de membres de l’administration Bush, comme celles de son frère Jeb Bush, gouverneur de Floride, qui a affirmé qu’après le succès de l’Irak, Washington devait en finir avec le régime cubain; ou celles de l’ambassadeur nord-américain en République dominicaine, Hans Hertell, qui a affirmé que l’agression contre l’Irak était un signal très positif et que c’était un très bon exemple pour Cuba. Et d’ajouter que l’invasion du pays arabe ne marquait que le début d’une croisade de libération qui concernerait les pays du monde entier, y compris Cuba. Les intentions militaires des États-Unis à Cuba se sont manifestées dans des publications comme Military Review, une revue de l’École de commando et état-major de l’armée des États-Unis, dans laquelle un article du lieutenant colonel Geoff Demarest, dans l’édition de septembre-octobre 2002, aborde sans déguisements le rôle de l’armée nord-américaine dans le cas d’une transition à Cuba. Tout en affirmant dans le deuxième paragraphe que le rôle de l’armée étasunienne pourrait consister en des opérations de stabilité et de soutien au nom de l’application de la loi et/ou de soutien à des agences de secours, il consacre ensuite tout un paragraphe sur ce thème sous le titre éloquent: Un rôle pour l’armée des États-Unis? Et il commence à énumérer toutes les raisons qui justifieraient l’intervention militaire: La migration vers l’île et de l’île; les arsenaux (y compris ceux des milliers de petites armes et de munitions); l’énorme site de recueil d’information électronique de Lourdes; des soupçons de trafic de stupéfiants de la part de membres du régime de Castro et un soi-disant programme d’investigation et de développement de guerre biologique ne sont que quelques points qui pourraient compliquer la transition. Le lieutenant-colonel termine en disant que pour l’armée des États-Unis le message est clair (¼) l’armée des États-Unis pourrait être aussi utile pour sa capacité d’interaction avec les militaires cubains, que pour son habileté à les menacer. Si l’on observe les notes des pieds de page concernant le paragraphe qui énumère les éléments pouvant justifier une intervention de l’armée nord-américaine, on observe que toutes ces affirmations se fondent sur des travaux journalistiques réalisés par des agences et personnes financées par le gouvernement des États-Unis (El Nuevo Herald, Miami Herald, Hermanos al rescate, Cubanet/Cubanews, Washington Times Insight magazine). Comme nous le verrons plus loin, lorsque les États-Unis parlent de liberté d’expression et de journalistes dissidents, ils se réfèrent à des agences de presse et des rédacteurs dirigés et financés par le gouvernement Bush avec pour seul objectif de semer des arguments qui, comme nous l’avons vérifié dans le texte de ce militaire, seront utilisés postérieurement pour justifier une intervention militaire. FINANCEMENT DE LA DISSIDENCE Quels sont les mécanismes de financement de ces soi-disant journalistes et agences indépendants? La Section des intérêts des États-Unis fournissait systématiquement une aide matérielle et financière. Depuis des radios et moyens techniques de toute sorte, jusqu’à des salaires de 100 dollars par mois pour tous ceux qui rendaient visite au chef de la mission nord-américaine James Cason. En 2000, l’Agence internationale pour le développement des États-Unis (USAID) a fait don de 670 000 dollars à trois organisations cubaines pour aider à la publication à l’étranger de travaux de journalistes indépendants de l’île¼ et les distribuer à Cuba. Les fonds que destine l’USAID au financement de la dissidence cubaine sont exceptionnels. Pour aider à la création d’ONG indépendantes à Cuba, 1 602 000 dollars; pour planifier la transition à Cuba, 2 132 000 dollars; pour évaluer le programme, 335 000 dollars. Tout cet argent est recueilli auprès de groupes des États-Unis. Voyons quelques exemples. Le Centre pour une Cuba libre, qui est chargé de recueillir de l’information auprès des groupes de droits de l’homme pour la diffuser et la distribuer, a reçu 2 300 000 dollars en 2002. Le Groupe de travail de la dissidence interne, 250 000 dollars; Freedom House, chargé de la question stratégique pour le programme de la transition à Cuba, 1 325 000 dollars; le groupe de soutien à la dissidence, 1 200 000. D’autres encore, comme l’Institut pour la démocratie à Cuba ou l’Institut républicain international. En 2001, l’agence Cubanet a reçu 343 000 dollars et 800 000 en 2002; le Centre américain pour le travail international de solidarité, dont l’objectif social déclaré est de persuader les investisseurs étrangers de ne pas investir à Cuba, 168 575 dollars. Action démocratique cubaine a reçu 400 000 dollars en 2002. Entre 1997 et 2002, l’Agence des États-Unis pour le développement international a destiné à ces fins 22 millions de dollars. Le 2 mars dernier, le secrétaire d’État assistant aux Affaires de l’hémisphère occidental, Curtis Struble, a signalé que l’USAID investirait cette année 7 autres millions de dollars pour un «soutien économique» à Cuba, et le 26 de ce même mois, Colin Powell a annoncé au Sénat un budget de 26 900 000 dollars pour les transmissions de Radio et Télévision Marti. Radio Marti transmet depuis les États-Unis 1 200 heures par semaine, contrevenant à la réglementation de l’Union internationale des télécommunications et violant l’espace radio-électrique cubain avec des appels à la subversion interne, à des actes de sabotage et à l’émigration illégale. Il est donc évident que derrière les dénommés dissidents, journalistes et agences indépendants, il n’y a pas autre chose que de l’argent du gouvernement des États-Unis avec un but clair et précis. LES COMBATTANTS DE LA LIBERTÉ Il faut également connaître le profil de combattants de la liberté parmi les dénommés leaders et intellectuels de la dissidence. Parmi ceux qui ont été condamnés récemment, le plus significatif est le «poète» Raul Rivero. Ancien membre des associations de journalistes et écrivains de Cuba, sa conversion a été vertigineuse: il a été engagé par le puissant Herald de Miami, le quotidien le plus conservateur du sud de la Floride, et catapulté à la vice-présidence pour la Caraïbe de la société interaméricaine de presse (SIP), qui regroupe les patrons des principaux médias des États-Unis et d’Amérique latine. Un vieil antre de conspirateurs de l’époque de la guerre froide au service de Washington. Un des personnages les plus connus est Carlos Alberto Montaner, condamné à Cuba en 1961 en raison de sa participation à une organisation terroriste qui camouflait des explosifs dans des paquets de cigares. Ayant fui le pays durant la crise des fusées, il s’engagea dans les forces spéciales de l’armée étasunienne. Fiché par la CIA dans les années 60, il arriva en Espagne en 1970, fondant les éditions Playor et l’agence de presse Firmas Press. Montaner fut chargé de faciliter l’entrée en France du terroriste Juan Felipe de la Cruz, qui mourut dans l’explosion de la bombe qu’il transportait. Montaner est un des porte-drapeaux explicites de l’annexion de Cuba par les États-Unis. En 1990, il constitua la Plateforme démocratique cubaine (CDC), organisation dissidente à l’intérieur de l’île. Parmi les membres de cette organisation se trouvent MS Cruz Varela, Hubert Matos, José Ignacio Rasco et Juan Suarez Rivas. Carlos Alberto Montaner fut en outre membre fondateur de la Fondation hispano-cubaine (FHC). Un autre dissident bien connu au niveau international, surtout après avoir reçu le prix Sakharov par le Parlement européen, est Oswaldo Paya, dont on dit qu’il a obtenu un soutien massif à Cuba pour son Projet Varela signé par 11 000 Cubains —dans un pays de 11 millions d’habitants— et 5 000 Européens de 15 pays. Un projet qui, comme l’attestent des documents signés par le dissident Carlos Alberto Montaner, est parti de l’initiative de gouvernements étrangers. Le responsable de la Section des intérêts des États-Unis à La Havane, James Cason en personne, a reconnu que le plan pour la transition démocratique a été consulté à Miami auprès de la Fondation nationale cubano-américaine et du Conseil pour la liberté de Cuba, responsables de plusieurs attentats ayant causé la mort de civils à Cuba et aussi de tentatives d’assassinat contre le président cubain. Une des excentricités de Paya est celle d’affirmer que Fidel Castro est heureux de la violation des droits de l’homme à Guantanamo et de déclarer dans une interview au País Semanal de Madrid du 9 mars dernier, que sous la dictature de Batista la presse à Cuba était incroyablement libre. Ce brillant intellectuel, sans ressources économiques connues, a fait une tournée de plusieurs mois dans le monde entier. Carlos Fazio le dit très clairement: la stratégie pour la fabrication de leaders est simple et l’exemple d’Oswaldo Paya éloquent: on crée un nom, une organisation de façade ou une ONG ad hoc (dans son cas le Projet Varela); on lui organise des tournées à grands coups de publicités et programmées de telle sorte qu’il soit reçu par de grandes personnalités (le pape Jean Paul II; le chef du gouvernement espagnol José Maria Aznar; le président Vicente Fox, le secrétaire d’État Colin Powell), et on lui décerne des prix qui mettent le personnage bien en vue (Paya a reçu du Parlement européen le prix Sakharov des droits de l’homme et a été proposé au prix Nobel). C’est ainsi que se construit peu à peu le profil de crédibilité du personnage dont on veut asseoir la puissance, une tâche qui est amplifiée ensuite par des spécialistes de la publicité et «de grandes plumes démocratiques» des médias d’Amérique et d’Europe. Un autre personnage significatif est Hubert Matos. Il passa 20 ans en prison pour s’être soulevé avec ses hommes (il était chef du régiment de l’armée rebelle à Camagüey) dix mois après le triomphe de la Révolution. À sa sortie de prison (et de Cuba) en 1979, il forma le groupe Cuba indépendante et démocratique (CID). Le journaliste et ex-batistien Luis Manuel Martinez, a dit de Matos qu’à partir du moment où il a quitté l’île «il est tombé dans les mains de la CIA». Il fut directeur de La voix du CID, une émission sur ondes courtes qui émettait vers Cuba et qui était partiellement financée par la CIA, comme l’a reconnu Jeff Whitte, propriétaire de Radio Miami international. Une preuve de son esprit libérateur est la réponse qu’il fit au journaliste Hernando Calvo Ospina lorsque celui-ci l’interrogea sur les relations de la dissidence avec des cadres d’entreprises voulant investir à Cuba: «nous ne pouvons nous porter garants de ces investissements lorsque le régime tombera; ils ne seront pas respectés parce qu’ils ont été complices du régime; ils seront des causes de friction. Mais s’ils nous proposent une bonne aide économique, on peut négocier». Le clan Estefan (Gloria et Emilio) a beaucoup d’influence. Actionnaires de Bacardi, ce qui signifie participation à des actes terroristes au Nicaragua, en Angola et à Cuba, et complicité dans le vol de brevets cubains. Gloria et Emilio Estefan financent d’autres organisations paraterroristes comme Hermanos al rescate, qui ont violé pendant des années l’espace aérien cubain. En ce moment, l’écrivaine Zoe Valdés, totalement inconnue jusqu’à ce qu’elle reçoive le prix Planète, est très en vogue. Peu avant la guerre en Irak, elle avait écrit un texte dans le quotidien Le Monde où elle disait avoir envie de voir éclater la guerre pour qu’on la laisse tranquille «avec ces sacrées signatures». Le journaliste espagnol Javier Ortiz qualifie les points de vue émis par Zoe Valdés durant une conversation en 1985, alors qu’elle était encore une écrivaine inconnue et l’épouse d’un haut fonctionnaire de l’ambassade de La Havane à Paris et dirigeant du Parti communiste de Cuba, de «castrisme réellement répugnant». Finalement, deux figures importantes d’origine non cubaine que nous ne pouvons oublier de mentionner, le Français Robert Ménard et le Mexicain Jorge Castañeda. Ménard est le secrétaire général de l’ONG Reporters sans frontières, une organisation qui au lendemain de la mort de deux journalistes sous la canonnade d’un blindé nord-américain à Bagdad, consacrait pratiquement toute la front page de son site web à l’absence de liberté d’expression à Cuba. Interrogé par le journaliste Hernando Calvo Ospina sur la priorité qu’accordait son organisation au thème Cuba, il avait répondu : il est dangereux d’être journaliste en Colombie ou au Pérou, mais il existe la liberté de presse. Dans ces pays il y a des journalistes assassinés et en prison, mais les familles et les collègues peuvent dénoncer cela. Le 20 mai dernier, le Comité des Nations unies chargé des ONG a sanctionné Reporters sans frontières, recommandant la suspension pour un an de son statut consultatif pour actes incompatibles avec les principes et les objectifs de la Chartes des Nations unies. En ce qui concerne Jorge Castañeda, ex-ministre de l’Extérieur mexicain, il lui échoit le mérite d’avoir réussi à mettre fin à l’historique trajectoire de bonnes relations du Mexique avec Cuba. Le porte-parole de la Maison Blanche, Ari Flescher, avait annoncé avant le président Fox sa fin en tant que ministre, dans les derniers jours de 2002. ÉMIGRATION ET DÉSTABILISATION Un des mécanismes utilisés par les États-Unis pour provoquer le gouvernement cubain et déstabiliser la société de l’île est l’émigration. La politique nord-américaine s’emploie fondamentalement à encourager et favoriser des actes d’émigration violents et spectaculaires qui projettent à l’extérieur une image de désespoir. L’objectif n’est pas de normaliser la politique migratoire, ni même d’offrir des possibilités aux Cubains dissidents en territoire nord-américain, mais uniquement de déstabiliser. Une des lois au service de ce projet est la Loi d’ajustement cubain de 1966, durement critiquée par le gouvernement de l’île et qui montre, une fois de plus, que les États-Unis ne mesurent pas tout le monde à la même aune. À la différence de n’importe quel autre émigrant latino-américain, en vertu de la Loi d’ajustement, tout Cubain qui touche les côtes nord-américaines reçoit le permis de séjour. Si le balsero est Haïtien, il sera immédiatement renvoyé dans son pays; ce qui n’est pas le cas pour le Cubain. Il arrive que des Cubains auxquels les autorités nord-américaines ont refusé d’accorder le visa pour entrer légalement aux États-Unis le reçoivent en vertu de la Loi d’ajustement cubain lorsqu’ils s’en vont dans une embarcation de fortune ou détournent un moyen de transport. On constate que c’est précisément la politique opposée qu’applique l’Europe pour dissuader l’émigration irrégulière africaine et latino-américaine. L’Europe récompense ceux qui utilisent la voie régulière des ambassades et punit de rapatriement et de déni du droit de séjour, durant des années, ceux qui arrivent en bateau ou par d’autres voies illégales. L’objectif des États-Unis, avec cette politique de non-respect des accords migratoires, est d’augmenter la pression interne et d’encourager les détournements d’embarcations et d’avions. Il est certain que si le gouvernement de Cuba appliquait à nouveau la politique de 1994, laissant la voie libre à l’émigration incontrôlée, les États-Unis auraient un nouveau prétexte d’intervention, alléguant la menace que supposerait pour leur sécurité nationale l’arrivée massive de Cubains illégaux. Cuba est donc en butte à la plus forte incitation à l’émigration illégale. Durant les sept mois qui ont précédé les procès, il y a eu sept séquestrations d’avions et d’embarcations cubains. Ces séquestrations, certaines assorties de l’usage d’armes et de prises d’otages, sont considérées par la législation internationale comme des actes de terrorisme et pénalisées par les conventions internationales. Cependant, pour quatre de ces cas, les États-Unis n’ont intenté aucune procédure contre leurs auteurs, qui vivent librement en territoire nord-américain. Selon Fidel Castro, ce plan a été mis en marche le jour même où a commencé la guerre, environ deux heures avant l’agression militaire de l’Irak, avec le détournement d’un avion de passagers —qui se rendait de Nueva Gerona, dans l’île de la Jeunesse, à La Havane— par six délinquants de droit commun qui ont brandi des couteaux similaires à ceux que portaient les pirates des avions de passagers qu’ils ont projetés contre les tours jumelles. Ils ont obligé l’avion cubain détourné de sa route avec 36 personnes à bord à atterrir à Key West. (...) Quelques jours plus tard, un procureur de Miami décrétait le droit à la liberté provisoire des pirates de l’air. Une telle chose ne s’était pas produite depuis neuf ans, c’est-à-dire depuis la signature des accords migratoires entre les États-Unis et Cuba, et elle avait lieu brusquement deux heures avant la guerre (16). Cette impunité a donné lieu à une succession de séquestrations accompagnées de la prise de dizaines d’otages. La complicité des États-Unis dans le terrorisme des séquestrations est telle que le 1er juin un juge nord-américain a confisqué au gouvernement cubain et vendu aux enchères le DC-3 qui avait atterri à Key West et l’avion russe AN-24 détourné en avril par un homme armé de grenades. Non seulement on ne sanctionnait pas les terroristes qui détournent des avions civils avec des otages à bord, mais on confisquait ceux-ci à leur propriétaire —le gouvernement cubain— et on les vendait aux enchères. Toute cette stratégie obéit à un plan conçu à l’avance et qui consiste à provoquer, par une vague de séquestrations, une crise migratoire qui servirait de prétexte à un blocus naval, ce qui conduirait inévitablement à une guerre. Ainsi, cyniquement, Kevin Whitaker, chef du Bureau Cuba du Département d’État, a averti La Havane que les séquestrations d’avions et de bateaux cubains constituent une menace pour la sécurité des États-Unis. Les attitudes des gouvernements cubain et nord-américain sont diamétralement opposées en ce qui concerne la séquestration d’avions. Alors que beaucoup des 51 avions cubains détournés entre 1959 et 2001ont été confisqués par les États-Unis et que pas un seul pirate de l’air n’a été sanctionné, Cuba a condamné 69 des auteurs des 71 détournements des États-Unis sur Cuba; les deux autres ont été mis à la disposition de la justice nord-américaine. UNE HISTOIRE DE TERRORISME La possibilité d’une intervention nord-américaine à Cuba est aussi réelle que le démontre la trajectoire d’actions hostiles et terroristes, plans d’attentats contre le président et violations constantes de la législation internationale maintenue par les États-Unis pour en finir avec le système socialiste cubain. Depuis la tentative d’invasion à Playa Giron, en 1961, les actions armées se comptent par centaines. Parmi les actes les plus sauvages figurent le sabotage en plein vol d’un appareil de Cubana de Aviación en 1976 au large de la Barbade, dans lequel moururent les 73 personnes à bord, et la vague d’attentats terroristes contre les installations touristiques, dans les années 90, organisés et financés par la Fondation nationale cubano-américaine (FNCA) et qui provoquèrent la mort d’un touriste italien. D’après le gouvernement cubain, la politique terroriste nord-américaine a coûté à Cuba 3 478 morts et 2 099 handicapés. Le gouvernement des États-Unis a toléré ces actions, et a même attenté physiquement, à certaines occasions, à la vie du président Fidel Castro et d’autres dirigeants de la Révolution. Il est le responsable du sabotage perpétré contre le bateau français La Coubre et de l’incendie et de la destruction du magasin El Encanto; il a organisé et soutenu avec ses forces armées l’invasion manquée de Playa Giron; il est responsable de nombreuses attaques pirates aériennes et navales contre des populations cubaines sans défense et contre des installations civiles; il a appuyé l’incendie de plantations de canne à sucre, le mitraillage du territoire cubain, l’agression d’humbles pêcheurs cubains et l’assassinat de combattants de la Police nationale révolutionnaire et des Troupes garde-frontières. Le gouvernement nord-américain porte une part de responsabilité dans les actes terroristes perpétrés à l’aide de bombes et d’explosifs contre les missions diplomatiques de Cuba au Portugal, auprès de l’ONU et dans d’autres pays, causant la mort et blessant grièvement des fonctionnaires diplomatiques cubains. Il est responsable de la disparition physique de diplomates cubains en Argentine, et de l’assassinat d’un autre diplomate à New York. Ces actions se poursuivent encore. Le 26 avril 2002, un plan d’attentat à l’explosif contre le mythique cabaret Tropicana, qui mettait en péril la vie de plus d’un millier de personnes, était désarticulé, selon des révélations de l’agent cubain infiltré au sein du commando, Percy Francisco Alvarado. Le 6 avril dernier, le journal Sun Sentinel, de la Floride, détaillait la manière dont l’organisation paramilitaire Comandos F-4 s’entraîne aux armes lourdes pour lancer des actions armées contre Cuba et une possible agression contre ce pays. L’attitude des États-Unis concernant le terrorisme est totalement opposée à celle de Cuba. L’île a adopté le 20 décembre 2001 une loi contre les actes terroristes qui prévoit même des peines sévères pour ceux qui utilisent le territoire cubain pour organiser ou financer des actions contre d’autres pays, y compris les États-Unis. En revanche, dans ce dernier pays des groupes paramilitaires continuent de s’entraîner pour agir contre Cuba. Autre preuve du cynisme nord-américain: la détention de cinq Cubains et leur condamnation à de longues peines de prison, y compris deux emprisonnements à vie, alors qu’ils tentaient de freiner les actes de violence contre Cuba de groupes terroristes d’extrême droite exilés à Miami. Connaissant ces intentions, les cinq Cubains ont averti les autorités nord-américaines, et la réponse a été leur emprisonnement, accusés d’espionnage. MÉDIAS Et pendant ce temps, les médias poursuivent leurs campagnes d’accusations et de harcèlement contre Cuba. Tandis que les manifestes qui condamnent l’île sont largement diffusés, ceux qui expriment leur soutien sont réduits au silence, comme celui signé par plus de trois mille intellectuels, artistes et professionnels de 69 pays, dont quatre Prix Nobel, sous le titre À la conscience du monde. Tandis que l’on monte en épingle les critiques de José Saramago, on oublie de parler du soutien de Adolfo Pérez Esquivel, Noam Chomsky, Ernesto Cardenal, Mario Benedetti, Augusto Roa Bastos, Gabriel Garcia Marquez ou Rigoberta Menchu. La presse présente sous l’étiquette de dissidents ceux qui ont posé des bombes dans les hôtels havanais en 1997 et ceux qui séquestrent des avions et des bateaux. On condamne des sentences judiciaires cubaines appliquées à des délinquants qui ont séquestré une embarcation et on tait les massacres commis par d’autres gouvernements pour résoudre des séquestrations similaires, comme celui du théâtre de Moscou, qui a fait des centaines de morts entre otages et terroristes tchéchènes, ou l’assassinat de sang-froid, sur l’ordre de Fujimori, de ceux qui séquestrèrent l’ambassade japonaise à Lima. UNION EUROPÉENNE Pour sa part, l’Union européenne (UE), conduite dans sa politique contre Cuba par José Maria Aznar, a plus que jamais prouvé son hypocrisie et sa politique de deux poids deux mesures dans le cas de l’île. Ceux qui n’ont rien dit de la violation du droit international dans la guerre d’Irak, ceux qui n’ont jamais condamné la peine de mort pour les enfants mineurs, les malades mentaux et les étrangers qu’on prive de l’assistance consulaire à laquelle ils ont droit —71 personnes exécutées l’an dernier aux États-Unis— poussent à présent les hauts cris contre Cuba. L’UE appelle les autorités cubaines à éviter des souffrances inutiles aux prisonniers en ne les soumettant pas à des traitements inhumains, tout en regardant ailleurs dans le cas des plus de 600 prisonniers du camp de concentration de Guantanamo, quelques-uns de nationalité européenne, torturés, sans assistance juridique et privés des visites de leurs familles. Une UE qui ne dit pas un mot des milliers d’hommes reclus dans les prisons des États-Unis après les attentats du 11-S pour l’unique délit d’être musulmans, sans garanties juridiques, sans procès et sans même qu’on ait publié leurs noms. Mesures de représailles diplomatiques, suspension d’accords de commerce et de coopération, annulation de visites gouvernementales bilatérales, réduction de la participation des États européens à des rencontres culturelles, invitation des dissidents cubains dans les ambassades à La Havane, suspension de programmes de coopération et de solidarité avec Cuba. Ce sont là les réponses de l’UE, contre un pays qui n’exige rien d’autre que le respect de la Charte des Nations unies, laquelle reconnaît le droit de Cuba à choisir son propre système politique, qui reconnaît le respect du principe d’égalité entre les États et le droit à la libre détermination des peuples. Le divorce entre l’opinion publique et les gouvernements suivistes des États-Unis n’a jamais été autant mis en évidence que dans le cas de Cuba. Tandis que la grande majorité des présidents applique envers l’île des politiques dictées par Bush, les manifestations de soutien et de solidarité se succèdent spontanément partout où se rendent les gouvernants cubains. Tous ces gouvernements, et en particulier celui des États-Unis, doivent savoir que leurs actes d’agression et de harcèlement contre Cuba ne sont pas partagés par leurs peuples. Des peuples qui doivent dénoncer et affronter une campagne internationale destinée à construire un prétexte à une intervention militaire qui, au nom de ladeémocratie et des droits humains, ne peut qu’apporter la mort et le pillage.
|