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La
Havane, le 11 juin 2003.-Felipe Pérez Roque, ministre cubain des
Relations extérieures, vient de conclure la lecture du communiqué
par lequel Cuba riposte aux dernières décisions de l'Union
européenne, et il répond maintenant aux questions des journalistes.
Ci-dessous, la traduction qui leur a été distribuée
à la fin de la conférence de presse. Il est ici dix heures
et demie du matin.
DÉCLARATION
DU MINISTÈRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES DE LA RÉPUBLIQUE
DE CUBA
Ainsi donc,
l'Union européenne a une fois de plus capitulé face au gouvernement
des Etats-Unis en matière de politique cubaine.
Rompant avec la pratique diplomatique habituelle, l'Union européenne
a émis, le 5 juin au matin, un communiqué où, tout
en annonçant des mesures punitives contre Cuba, elle informait
la communauté internationale qu'elle avait adressé aux autorités
cubaines une démarche qui n'est pourtant parvenue à notre
ministère que dans l'après-midi. Nous n'en avons pas été
surpris outre mesure : nous comprenons fort bien que l'Union européenne
souhaite que son communiqué soit connu à Washington avant
qu'à La Havane.
On savait très bien en Europe que cette décision de faire
chorus avec l'administration nord-américaine dans ses attaques
contre Cuba serait perçue comme une nouvelle preuve de résipiscence
et de repentir qui contribuerait à faire oublier les divergences
surgies, à l'occasion de la guerre en Irak, entre « la vieille
Europe » - selon le qualificatif de Rumsfeld - et le gouvernement
impérial de nature nazi-fasciste qui s'évertue à
imposer sa dictature au reste du monde.
La nouvelle déclaration des Quinze couronnes une étape ininterrompue
de prises de positions et d'agressions contre Cuba, juste au moment où
notre pays a dû faire pièce aux plans sinistres de ceux qui,
de Miami et de Washington, s'efforcent de fabriquer des prétextes
pour justifier une agression militaire. Cette escalade européenne
a connu les étapes suivantes :
- Le 25 mars,
la présidence de l'Union européenne proteste pour les condamnations
infligées à juste titre par les tribunaux cubains à
un groupe de mercenaires au service de l'administration
nord-américaine.
- Le 14 avril, à la demande du ministère espagnol des Affaires
étrangères, le Conseil des affaires étrangères
de l'Union émet une déclaration où il qualifie les
mercenaires de « prisonniers politiques » et menace Cuba de
réviser les « plans visant à accroître la coopération
».
- Le 18 avril, la Présidence proteste de nouveau et réitère
ses menaces.
- Le 30 avril, sur les instances d'une commissaire espagnole, le Collège
des commissaires de la Commission européenne décide d'ajourner
sine die l'examen de la demande de Cuba d'admission dans l'accord de Cotonou,
ce qui contraint notre pays, compte tenu de la conduite sinueuse de l'Union
européenne, de retirer pour la seconde fois sa demande, qu'il avait
présentée pourtant sur l'insistance unanime des Groupes
d'Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).
- Le 27 mai, l'Union européenne tente de remettre une nouvelle
note de protestation que notre ministère refuse de recevoir en
tant qu'ingérence intolérable dans les affaires intérieures
de Cuba.
Et voilà
la dernière étape : cette nouvelle déclaration dont
Cuba apprend la teneur par la presse internationale au lieu des voies
diplomatiques normales ! Cette charge sans précédent contre
notre pays nous interpelle d'autant plus que l'Union européenne,
dont la sagesse est proverbiale, sait garder un silence respectueux quand
il lui convient, voire se faire la complice tolérante de conduites
et de faits bien plus graves que ceux qu'elle impute aujourd'hui, sans
raison, à Cuba ! Ainsi, comment évaluer son silence face
aux crimes commis par l'armée nord-américaine contre la
population civile irakienne ?
Trop, c'est trop ! Cuba se voit contrainte, une fois épuisée
sa patiente capacité de dialogue et de tolérance, de riposter
à ce qu'elle estime une conduite hypocrite et opportuniste de la
part de l'Union européenne. Dans sa déclaration, «
l'UE déplore que les autorités cubaines aient rompu le moratoire
de fait sur la peine de mort ».Cuba ne détaillera pas une
fois de plus les raisons exceptionnelles, expliquées à plusieurs
reprises, qui l'ont contrainte de prendre des mesures énergiques
contre trois pirates de la mer armés, des repris de justice, qui
ont menacé d'assassiner des dizaines d'otages, dont plusieurs touristes
européens. Cuba n'a jamais ouï dire que l'Union européenne
ait condamné la peine de mort aux Etats-Unis. Elle n'a jamais vu
l'Union européenne présenter une condamnation des Etats-Unis
à la Commission des droits de l'homme pour leur application de
la peine de mort à des mineurs, à des malades mentaux et
à des étrangers qui ne bénéficient même
pas des visites consulaires auxquelles ils ont pourtant droit.
Cuba n'a
jamais entendu l'Union européenne critiquer les soixante et onze
exécutions réalisées l'an dernier aux Etats-Unis,
dont celles de deux femmes. Pourquoi donc l'Union européenne condamne-t-elle
la peine de mort à Cuba, et pas aux Etats-Unis ?
Cuba
ne peut donc prendre au sérieux cette lamentation de l'union
européenne
: elle ne peut y voir qu'hypocrisie et morale à double vitesse.
La Déclaration européenne cite textuellement la lettre remise
à notre ministère, qui reprend les arguments de l'administration
nord-américaine. Elle prétend de nouveau déguiser
en « opposants » et en « journalistes indépendants
» des mercenaires qui, touchant de l'argent du gouvernement nord-américain,
aspirent à contribuer de l'intérieur à l'objectif
de ce dernier : renverser la Révolution cubaine.
Plus loin,
l'Union européenne « demande instamment aux autorités
cubaines de faire en sorte que. les prisonniers ne souffrent pas inutilement
et ne soient pas soumis à des traitements inhumains ». Cuba
ne fera pas le moindre commentaire à cette « demande »
offensante : c'est une scélératesse ! Cuba ne répétera
pas les arguments qu'elle a déjà employés à
plusieurs reprises. Elle se bornera à constater qu'elle n'a jamais
entendu l'Union européenne condamner une seule fois les Etats-Unis
pour les centaines de prisonniers - dont certains sont Européens
- qu'ils maintiennent, en violation des normes les plus élémentaires
des droits de l'homme, sur la base navale de Guantánamo, qui nous
est imposée de force et contre notre gré. L'Union européenne
n'a jamais dit un traître mot des milliers de prisonniers, dont
beaucoup ne le sont que sur leur faciès ou parce qu'ils sont musulmans,
que l'administration nord-américaine maintient en prison depuis
le 11 septembre, sans les moindres garanties juridiques, sans procès
et sans même avoir fait connaître leurs noms.
L'Union européenne n'a jamais dit un traître mot des conditions
carcérales infligées à plus de deux millions de prisonniers
nord-américains, la plupart Noirs et Latinos, mais tous pauvres,
toutes dénoncées par des rapports internationaux sur les
droits de l'homme.
À Cuba, en revanche, grâce à la Révolution,
on n'a jamais vu en plus de quarante ans des manifestations de brutalité
policière ou de répression violente comme celles qui s'exercent
contre ceux qui expriment pacifiquement dans les rues leur opposition
à l'ordre mondial actuel, ou de traitement xénophobe et
raciste contre les immigrants et les demandeurs d'asile, comme cela se
passe tous les jours dans cette Europe qui prétend nous donner
des leçons.
L'Union européenne annonce ensuite, dans sa Déclaration,
de nouvelles mesures contre Cuba qui apparaissent en gros comme un acte
de capitulation face aux pressions de l'administration nord-américaine.
Elle annonce quatre mesures :
Limiter les visites gouvernementales de haut niveau effectuées
dans
le cadre bilatéral.
Faut-il rappeler qu'aucun chef d'Etat ou de gouvernement de l'Union européenne
n'a visité Cuba ces cinq dernières années ?
Même le roi d'Espagne, Juan Carlos II, dont la sympathie naturelle
et la simplicité ont forcé le respect du peuple et du gouvernement
cubain, n'a pu réaliser une visite officielle, puisque le chef
du gouvernement, José María Aznar, à qui la Constitution
donne le dernier mot en la matière, a été tranchant
: « Le roi ira à Cuba quand il faudra. »
Par ailleurs, seuls deux ministres des Affaires étrangères
des Quinze sont venus à Cuba depuis 1998 : M. Louis Michel (Belgique),
en 2001 - qui a fait de vrais efforts pour développer les relations
- et Mme Lydie Polfer (Luxembourg), en 2003.
Personne d'autre n'a tenu en Europe - à plus forte raison maintenant
- à contrarier Washington. Pendant ce temps, 663 délégations
de haut niveau sont venues à Cuba en 2002, dont 24 chefs
d'Etat et de gouvernement, et 17 ministres des Affaires étrangères.
Réduire
l'importance de la participation des États membres aux manifestations
culturelles.
Une
décision pareille, émanant de l'Europe cultivée et
civilisée, devrait, c'est le moins qu'on puisse dire, faire rougir
ses auteurs !
Convertir les intellectuels et les artistes, européens et cubains,
et nos peuples qui bénéficient des échanges culturels,
en victimes spéciales de l'agression est une mesure si réactionnaire
qu'elle aurait semblé inconcevable au XXIe siècle.
Le gouvernement espagnol a d'ailleurs donné le premier signal de
cette politique absurde en suspendant en avril la participation d'une
délégation de ce pays au festival « L'empreinte de
l'Espagne » qui vise justement à rendre hommage à
la culture de ce peuple frère. A quoi s'ajoute le fait que le Centre
culturel espagnol à La Havane, loin de faire connaître la
culture de ce pays à Cuba, ce qui est sa raison d'être, a
maintenu un programme d'activités sans rapport avec sa fonction
originelle, défiant ouvertement les lois et les institutions cubaines
et violant tout aussi ouvertement la lettre de l'accord qui lui a donné
naissance.
Les autorités cubaines adopteront ces prochains jours les mesures
pertinentes pour convertir ce centre en une institution qui remplira vraiment
son noble objectif de faire connaître la culture espagnole dans
notre pays.
Inviter des
dissidents cubains aux cérémonies organisées à
l'occasion des fêtes nationales
Par cette
décision qui convertira les ambassades européennes à
La Havane en employés virtuels de M. Cason et qui les mettra au
service du travail subversif de la Section des intérêts des
Etats-Unis - ce que seule l'ambassade espagnole faisait ouvertement à
ce jour - l'Union européenne officialise son intention de défier
le peuple cubain, ses lois et ses institutions.
Cuba avertit, sereinement mais fermement, les ambassades européennes
et les mercenaires locaux du gouvernement nord-américain qu'elle
ne tolérera ni provocations ni chantages. Les mercenaires qui tenteront
de les convertir en centres de conspiration contre la Révolution
cubaine doivent savoir que le peuple cubain saura exiger l'application
rigoureuse des lois. Les ambassades européennes doivent être
conscientes pour leur part qu'elles violeront les obligations qui sont
les leurs aux termes de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques
si elles se prêtent aux activités subversives contre Cuba.
Les mesures que Cuba devra adopter pour défendre sa souveraineté
et leurs conséquences seront de l'entière responsabilité
de l'Union européenne qui, bouffie d'arrogance, vient d'adopter
une décision qui heurte profondément la sensibilité
et la dignité du peuple
cubain.
Procéder
à la réévaluation de la position commune de l'UE.
Par cette
dernière formulation, M. Aznar et le gouvernement espagnol annoncent
d'ores et déjà leur aspiration à durcir la Position
commune sur Cuba que, faut-il le rappeler, cette même Espagne a
imposée au reste de l'Union européenne dès 1996.
Le 13 novembre de cette année-là, le journal El País
annonçait, sous le titre « L'Espagne propose à l'Union
européenne de couper les crédits et la coopération
à La Havane », ce qui suit :
Le
gouvernement espagnol proposera demain, à Bruxelles, à ses
partenaires de l'Union européenne une stratégie d'encerclement
économique du régime de Fidel Castro. Le train de mesures
que propose Aznar va tout à fait dans le sens de la politique nord-américaine
actuelle. L'initiative que le gouvernement Aznar prétend impulser
entraînerait la fermeture des robinets de la coopération
et des crédits des Quinze et l'élévation du dialogue
avec l'opposition
anticastriste.
[.] Les mesures que caresse Aznar. impliquent une rupture totale avec
l'antérieure politique cubaine de l'Espagne.
Parmi les
mesures annoncées par le journal ce jour-là, en plus de
la tentative d'Aznar de suspendre la coopération des quinze pays
européens avec Cuba, de mettre fin aux accords d'entreprises et
de bloquer les maigres crédits, onéreux et à court
terme, que nous recevions à ce moment critique de la Période
spéciale, s'ajoutait une autre visée :
Dialogue
avec l'opposition : Chacun des quinze ambassadeurs européens à
La Havane nommera un diplomate spécialisé dans l'ouverture
d'un dialogue de haut niveau avec les groupes d'opposition à Castro.
Les gouvernements européens inviteraient ces groupes à un
contact permanent de haut niveau. Ce train de mesure serait officialisé
par une « position commune » de l'Union européenne
; elle s'inspire directement de la stratégie nord-américaine
de harcèlement, prônée par l'ambassadeur itinérant
des Etats-Unis, Stuart Eizenstadt.
Selon El
País, ce que la réalité conforma ensuite, Ce diplomate
nord-américain n'a cessé d'insister auprès des ministères
des Affaires étrangères européennes qu'il était
temps que l'Union européenne abandonne sa stratégie actuelle.
Il a aussi promis que si les quinze pays européens reprenaient
l'approche nord-nord-américaine, Washington « concéderait
» à ses partenaires un ajournement semestriel de l'application
de la loi Helms-Burton qui renforce l'embargo contre Cuba et poursuit
les investissements européens dans l'île.
L'Espagne, qui fut un pilier de l'approche autonome, deviendrait ainsi,
si l'initiative prospère, le fer de lance du mouvement inverse.
Et l'initiative
Aznar prospéra. C'est d'elle que sont parties la Position commune
et, plus tard, la honteuse Entente de l'Union européenne avec les
Etats-Unis au sujet de la loi Helms-Burton, par laquelle les gouvernements
européens acceptèrent de se plier aux conditions imposées
par les Etats-Unis en échange de leur promesse de ne pas punir
les entreprises européennes. Et c'est aussi d'elle que part cette
nouvelle campagne des gouvernements européens contre Cuba.
Le señor Aznar, obsédé par son rêve de punir
Cuba et devenu l'allié au petit pied du gouvernement impérial
nord-américain, fut le principal responsable du fait que l'Union
européenne ne soit pas parvenue à mettre au point une approche
indépendante et objective envers Cuba, et il est maintenant le
principal responsable de cette escalade traîtresse, justement quand
notre petit pays est devenu un symbole de la résistance des peuples
à la menace de voir les Etats-Unis imposer une tyrannie nazie-fasciste
au reste du monde, y
compris aux peuples européens - dont l'opposition résolue
à la guerre contre l'Irak a été bafouée d'une
manière humiliante - voire au peuple nord-américain lui-même.
Cuba sait que le gouvernement espagnol finance - comme le fait le gouvernement
nord-américain dans le cadre de la loi Helms-Burton - les groupes
annexionnistes et mercenaires que la superpuissance s'efforce d'organiser
dans notre pays.
Comment expliquer l'intérêt du señor Aznar «
de promouvoir la démocratie à Cuba », alors qu'il
a été le premier et l'unique dirigeant européen à
soutenir le putsch fasciste au Venezuela et à offrir « son
soutien et sa disponibilité » à l'éphémère
« président » putschiste ?Mais Cuba n'inculpe pas pour
autant le noble peuple espagnol ni les autres peuples européens.
Au contraire. Cuba sait combien de sympathie et d'admiration, malgré
les infâmes campagnes médiatiques, elle éveille chez
de nombreux citoyens de ces pays dont elle accueille tous les ans presque
un million de touristes. Cuba sait combien de solidarité elle éveille
en Europe, et elle a senti toutes ces années-ci la main amie de
milliers d'organisations non gouvernementales, d'associations civiles
et de mairies européennes. Cuba sait que les peuples européens
- donnant une leçon morale et humaine exemplaire - se sont opposés
à la guerre en Irak que l'Union européenne n'a pu toutefois
éviter, divisée par la trahison du gouvernement espagnol
au reste de l'Europe et humiliée par une superpuissance qui est
allée jusqu'à proclamer qu'elle attaquerait La Haye au cas
où un soldat nord-américain serait traduit devant le Tribunal
pénal international !
Cuba, qui
connaît les sentiments d'amitié et de solidarité des
peuples européens, ne saurait accepter que leurs gouvernements,
s'alignant sur la position du président espagnol de soutien aux
groupes terroristes d'origine cubaine opérant à Miami et
à l'administration Bush, décident de collaborer à
la création à Cuba de groupes mercenaires qui épaulent
les efforts des Etats-Unis pour détruire la Révolution cubaine
et annexer notre pays.
La décision de l'Union européenne de se joindre à
la politique agressive des Etats-Unis contre Cuba a été
accueillie avec force applaudissements et allégresse non seulement
par l'administration nord-américaine dont le secrétaire
d'Etat a déclaré : « Les USA pourraient participer
avec l'Union européenne à la mise en place d'une stratégie
commune envers Cuba », mais aussi par les mercenaires qui oeuvrent
encore dans notre pays pour le gouvernement nord-américain et par
les porte-parole des groupes terroristes de Miami.
Le prétendu Conseil pour la liberté de Cuba, un groupe de
"batistiens"de Miami, qui avait réclamé ces jours-ci
que le président Bush décrète le blocus naval de
Cuba, a affirmé : « Nous nous réjouissons que l'Europe
se joigne aux pressions. », tandis que la Fondation nationale cubano-américaine,
terroriste, s'en est félicitée, soulignant qu' « il
était temps que les pays européens se rendent compte. »
L'agence de presse DPA titre comme suit un reportage : « Jubilation
dans l'exil devant la décision de l'Union européenne vis-à-vis
de Cuba », informant que les groupes ultras cubains ont réagi
« avec enthousiasme » et que les « journaux télévisés
de Miami ont ouvert leurs émissions sur la décision de l'Union
européenne et ont mis en exergue les mesures qu'elle adoptera ».
Il n'est pas difficile de savoir à qui profite la déclaration
de l'Union européenne et pourquoi les groupes terroristes de Miami,
responsables d'attaques à la bombe contre des intérêts
européens à Cuba et même de la mort d'un jeune Italien,
Fabio di Celmo, jubilent. Pas besoin d'être grand clerc pour expliquer
pourquoi ceux qui réclament à l'administration nord- américaine
le durcissement du blocus et le déclenchement d'une agression militaire
contre notre peuple applaudissent à grands cris.
Cuba, de son côté, défendra son droit d'être
une nation libre et indépendante, avec ou sans soutien européen,
même s'il lui faut faire face à la complicité de certains
gouvernements avec le groupe fasciste qui gouverne aujourd'hui les Etats-Unis.
Cuba ne met pas tous les gouvernements européens dans le même
sac : elle sait bien quels sont les principaux fauteurs de cette provocation
insolite.
Ainsi, le gouvernement italien que dirige le Premier Ministre Silvio Berlusconi
vient de se joindre à la conspiration de son homologue espagnol
: en effet, l'Italie vient de suspendre
unilatéralement sa coopération au développement de
Cuba qui aurait pu se monter cette année-ci à presque quarante
millions d'euros.
La suspension porte sur les points suivants :
1. Un crédit d'aide de 17,5 millions d'euros qui aurait permis
d'améliorer les systèmes de drainage et d'accroître
la production alimentaire dans la province de Granma et à La Havane-province.
2. Un crédit d'aide de 7,4 millions d'euros destinés à
la place du Christ, dans la Vieille-Havane, qui aurait permis de restaurer
des logements où vivent environ cinq cents familles, deux écoles
et les services d'eau potable, d'électricité et d'égout
de la zone.
3. Un don de 400 000 euros destinés à la création
d'un centre pour le troisième âge dans l'ancien couvent de
Bethléem, qui aurait permis de soigner environ deux cents personnes
et qui aurait été géré par l'Office de l'Historien
de la ville, les autorités sanitaires locales et les sœurs
de la Charité.
4. Un don de 6,8 millions d'euros, passant par le Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD), qui aurait servi à soutenir
localement des services sociaux de base, tels qu'éducation, santé,
soins d'handicapés et de personnes du troisième âge.
5. Un don de 6,8 millions d'euros passant par le PNUD et destiné
à l'achat d'équipements, surtout dans le domaine de la santé
et de la production alimentaire, dans les provinces de l'Est.
6. Un don de 534 000 euros venant soutenir le programme de collaboration
et d'échanges entre l'université italienne de Tor Vergata
et celle de La Havane.
Voici donc
la manière insolite dont le gouvernement italien s'apprête
à défendre les droits de l'homme du peuple cubain !Le rôle
de l'Union européenne serait risible n'était la gravité
de cette escalade.
Il nous faut donc dire sans ambages :
Cuba ne reconnaît pas la moindre autorité morale à
l'Union européenne pour la condamner, à plus forte raison
pour lui imposer un ultimatum menaçant en matière de relations
et de coopération. Cuba a adopté les décisions qui
n'incombent qu'au peuple et au gouvernement, qui sont absolument légitimes
et qui se fondent sur la Constitution et les lois du pays.
L'Union européenne qui, à la différence de Cuba,
ne sait pas ce que c'est que d'être en butte au blocus et aux menaces
militaires des Etats-Unis, devrait regarder avec respect la lutte que
mènent les Cubains pour préserver leur droit à l'indépendance
; elle devrait garder un silence pudique quand on sait qu'elle s'est tue
bien des fois au profit de ses seuls intérêts ; quand on
sait qu'elle n'a jamais adopté de position commune contre le régime
répressif israélien ; quand on sait qu'elle s'est opposée
à ce que la Commission des droits de l'homme analyse les dangers
qu la guerre en Irak représentait pour le droit à la vie
des enfants irakiens.
Le ministère des Relations extérieures rappelle finalement
à l'Union européenne que Cuba est un pays souverain, qui
a conquis sa pleine indépendance à la suite d'un processus
long et douloureux, dont plus d'un demi-siècle de lutte contre
la société néo-coloniale corrompue
imposée à notre pays après les Accords de Paris aux
termes desquels l'Espagne le céda aux Etats-Unis dans le dos des
patriotes.
Cuba a gagné la faculté, reconnue par le droit international,
de décider d'elle-même, dans l'exercice de sa pleine souveraineté,
sans ingérence ni intromission étrangère, le système
politique, économique et social qui convient le mieux à
son peuple.
Cuba rejette le langage, marqué au sceau de l'ingérence
et de l'irrespect, de la récente Déclaration de l'Union
européenne et demande à celle-ci de s'abstenir d'offrir
des solutions que le peuple cubain ne lui a pas demandées, tout
en réitérant son respect et son amitié envers les
peuples européens avec lesquels elle espère renforcer un
jour, d'une manière digne et honorable, les relations les plus
fraternelles et les plus sincères à peine l'Histoire aura-t-elle
balayé tant d'hypocrisie, de putridité et de couardise.
Ministère
cubain des Relations extérieures
La Havane, le 11 juin 2003

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