dernière modification le
 Menu général

-Accueil
-Association
-Liens
-Nous écrire

 Cuba

-José Martí
-Carte
-Cubabécédaire

 Luttes
-Actualités
-Les rendez-vous
-Blocus
-Amérique latine
-Les actions
 Documentation

-Archives
-Bibliographie

 

Je voudrais aujourd'hui vous raconter une histoire. Peut-être la connaissez-vous déjà.

Cela commence comme un mauvais film d'espionnage, de ceux qu'adorent les Américains. Le décor : Miami, ses plages, ses palmiers, ses flics, bien sûr !Les protagonistes : d'un côté, les « bons » - les Américains -, de l'autre, les « méchants » - des espions à la solde de La Havane. Rien de nouveau.

Tout est en place : silence, on tourne !

Il est 5h30 du matin. Le soleil n'est pas encore levé. La mer se distingue à peine du ciel que l'approche de l'aube éclaircit. A Key West comme dans le quartier de la Petite Havane tout est calme. Les premiers joggers n'ont pas encore fait leur apparition.

Soudain, déchirant le silence paisible, les hurlements des sirènes des voitures de police, le fracas d'une porte que l'on force, les braillements des agents spéciaux qui hurlent
« FBI, personne ne bouge !», un cri de femme. On arrache un homme de son lit, les policiers le jettent à terre et le menottent. Belle prise : un espion cubain !

La scène se reproduit, à peu près identique, dans quatre autres appartements de la capitale de Floride.

On embarque sans ménagement les suspects pour le « Headquarter » du comté de Miami-Dale, le quartier général du FBI. Scénario classique : on les présente à un officier fédéral chargé de les convaincre de « collaborer » en échange de promesses de libération. Rien à faire : ces espions cubains sont tous des fanatiques, des séides de Castro, d'infâmes communistes qui ne visent qu'à nuire à cette grande nation démocratique que sont les USA. Le responsable du FBI de Miami lui-même entre en scène : peine perdue. Après plusieurs essais infructueux pour convaincre les « espions cubains », on les emmène en voiture au Federal Detention Center, le FDC, dans le centre ville. Pendant ce transfert effectué dans la plus pure tradition des films policiers locaux, le patron du FBI téléphone à des anticastristes notoires, genre « parrains » richissimes et politiquement influents.

On pourrait sourire d'un scénario si éculé qu'aucun cinéphile ne le prendrait au sérieux.
Seulement, il ne s'agit pas de cinéma. Malheureusement.

Cela s'est passé à Miami, le 12 septembre 1998. Ce matin-là, à 5h30 précises, Antonio Guerrero, René González, Manuel Viramontes (de son vrai nom Gerardo Hernández), Ruben Campa (Fernando González) et Luis Medina (Ramón Labañino) sont arrêtés et amenés devant le chef du FBI local, Héctor Pesquera, qui va s'empresser de prévenir les Ross Lehtinen et autres Diaz Balart, parrains de la mafia exilée aux USA depuis la Révolution cubaine, de la capture de ces présumés dangereux espions qui avaient infiltré les réseaux terroristes mis sur pied par cette même extrême droite antirévolutionnaire cubaine.

La suite tient du cauchemar, un cauchemar qui dure depuis 6 ans aujourd'hui.

Deux jours plus tard, les 5 hommes sont présentés à la Cour Fédérale. Leur aspect ne plaide guère en leur faveur : depuis leur arrestation, ils sont restés menottés, sans pouvoir se changer, se raser, ni même se laver. Juste les dents avant d'être emmenés chez le juge. Là, on leur signifie leur inculpation et la nomination d'avocats commis d'office. Puis on les ramène en cellule. Ils y resteront, presque constamment menottés, jusqu'au 29 septembre, date à laquelle ils seront transférés à ce qu'on appelle pudiquement : « Special House Unit » (Unité « d'hébergement » spécial). Il s'agit d'unités d'isolement, connues dans le jargon pénitentiaire comme « el hueco », le
« trou ». Ce sont des cellules de 15 pieds sur 7, au sol de ciment grossier ; tout y est en métal, même le miroir, excepté une petite table et un siège en dur. La douche est humide et couverte de moisissure. Le règlement précise qu'on ne peut maintenir un détenu en cellule d'isolement au-delà de 60 jours, et seulement s'il s'agit d'assassins ou de meurtriers. Ils y resteront jusqu'au 3 Février 2000. Le 8 juin 2001, après 7 mois de procès truqué, les 5 sont reconnus coupables. Décembre 2001, les sanctions tombent : double perpétuité plus 10 ans (aux USA, on peut se réincarner pour pouvoir purger une deuxième, voire une troisième condamnation !), perpétuité plus 15 ans, perpétuité plus 10 ans, dix-neuf ans, quinze ans de réclusion ! Le tout sans la moindre preuve sérieuse, et malgré de nombreux témoignages en leur faveur, dont ceux de hauts responsables américains.

12 septembre 2004. La solidarité avec Cuba et les 5 condamnés, ceux que l'on appelle désormais les « Cinq de Miami », est présente dans le monde entier. Plus de 200 comités dans près de 160 pays, les plus importants se trouvant sur le sol même des USA, des lettres qui arrivent par dizaines tous les jours dans les pénitenciers où sont enfermés ceux que Cuba a élevés au titre de « Héros de la République », venant des quatre coins du monde, manifestations en Argentine, grève de la faim en Suède, collectes pour « acheter » des pages de journaux et bien d'autres marques de soutien. Et au bout, l'espoir que l'appel présenté le 10 mars 2004 débouchera sur la seule chose qui importe pour Tony, pour Gerardo, pour Fernando, pour Ramon et pour René : la reconnaissance de leur innocence. Quand cela se produira - cela ne peut pas ne pas se produire ! - cette date-là effacera celle du 12 Septembre 1998. Tony prétend qu'il y a des dates à oublier, qu'il les a oubliées.Il y a, c'est vrai, des « anniversaires » à ne pas « souhaiter ».

Mais nous qui sommes libres et qui sommes attachés à tout ce que représentent ces 5 hommes, nous ne voulons pas, et nous ne pouvons pas - « no quiero, y no puedo » - oublier ce matin de septembre où ils ont brutalement payé de leur liberté leur amour de leur pays.

J'ai été un peu longue. mais le sujet me tient à coeur. Annie Arroyo - 12 septembre 2004.

 

HIGHTECHNET 2003 - CONTACT