Le révérend Michael Lapsley, président de la Société
des Amis de Cuba en Afrique du Sud, a visité durant trois heures
et demie l’un des cinq prisonniers politiques cubains qui languissent
dans les prisons des États-Unis.
Gerardo Hernandez purge deux condamnations à la perpétuité
plus quinze ans, au pénitencier fédéral à
sécurité maximum de Lompoc, à trois heures de Los
Angeles. Le plus ironique de tout est que Hernandez a été
condamné à la perpétuité aux États-Unis
pour sa contribution à la lutte contre le terrorisme.
Depuis sa détention, Hernandez a sur son mur une petite photo
découpée dans une revue sur laquelle on voit Fidel donnant
l’accolade à Nelson ‘Madiba’ Mandela. Il m’a
demandé s’il pouvait m’envoyer la photo pour que
je la garde dans un endroit sûr. Après l’invasion
de l’Irak, les Cinq ont été, sans préavis
aucun, placés dans une nouvelle cellule comme punition; on leur
a enlevé leurs documents personnels et on les a laissés
pratiquement en sous-vêtements.
Tout semble indiquer que l’extrême droite de Miami a été
déjouée par la campagne internationale croissante pour
les libérer et que ses amis de Washington ont cessé la
persécution et l’humiliation, en raison des protestations.
En 1989, Hernandez a participé à une mission internationaliste
en Angola. Il m’a dit avec orgueil que c’était pour
lui un grand privilège que d’avoir pu contribuer à
la lutte contre l’apartheid. Il a commenté que quelques-unes
des dates les plus significatives de sa vie coïncident avec des
dates importantes des récentes transformations effectuées
en Afrique du Sud.
Gerardo Hernandez a étudié la diplomatie à Cuba.
Quelques-uns de ses condisciples sont des diplomates et ambassadeurs
d’expérience. Peu après s’être marié
avec celle qui aujourd’hui exerce comme ingénieure chimiste
à La Havane, les services de renseignements cubains lui ont demandé
d’effectuer un autre type d’activité diplomatique.
Depuis le triomphe de la Révolution, en 1959, un petit groupe
d’extrémistes de droite de Miami a réalisé
d’innombrables actes de terrorisme contre Cuba, y compris des
enlèvements, la pose de bombes dans les hôtels et plus
de 600 attentats contre Fidel Castro.
On
a décidé de les infiltrer en territoire nord-américain
pour empêcher d’autres actes de ce genre.
On a demandé à Gerardo de participer à ce dangereux
projet pour protéger sa patrie. Il a accepté, conscient
des risques que cela comportait.
Après avoir présenté les notes diplomatiques formelles,
le gouvernement cubain a indiqué que toute violation de l’espace
aérien cubain par les groupes terroristes provoquerait une réponse
rapide de la part des forces aériennes de Cuba. En février
1996, les Cubains ont répondu lorsque leur espace aérien
a été violé une fois de plus, trois personnes sont
mortes.
On a fait payer à Gerardo Hernandez les actions effectuées
par les forces aériennes pour protéger la population civile
de Cuba. Il a été déclaré coupable d’espionnage
pour avoir fourni de l’information qui n’était pas
secrète et ne menaçait pas la sécurité des
États-Unis.
Les sentiments anti-castristes à Miami sont si forts qu’il
s’est avéré impossible d’obtenir un procès
juste et équitable dans cette ville. Les Cinq font appel pour
que leur sentence soit annulée ou qu’ils aient au moins
un nouveau procès ailleurs qu’à Miami.
Actuellement, Gerardo Hernandez (avec ses compatriotes qui sont dans
différentes prisons) est devenu l’ambassadeur de son pays,
servant d’exemple pour ses compagnons de détention, et
témoignant, par ses actes et ses propos, de la vérité
de Cuba.
De même que Madiba et ses compagnons de la prison ont transformé
l’île de Robben en université, Gerardo, de la façon
dont il se conduit, créera une «organisation de solidarité
en prison».
Quand l’épouse de Gerardo a tenté de lui rendre
visite après être restée cinq ans sans le voir,
elle a été interrogée durant de longues heures
et renvoyée dans son pays. Il a exprimé une profonde douleur
pour la séparation de son épouse, de sa famille et de
sa patrie. En même temps, Gerardo m’a demandé de
faire savoir qu’il ressent une grande force en raison de l’appui
du mouvement mondial de solidarité et pour ce qu’a réussi
le peuple sud-africain. Il a exprimé en particulier sa reconnaissance
pour la récente lettre d’appui de Nadine Gordimer et les
nombreuses cartes postales de la Société des Amis de Cuba
en Afrique du Sud.
Je lui ai demandé s’il regrettait quelque chose. «Non,
rien... comme je l’ai dit au procès, en citant Nathan Hale,
la seule chose que je regrette, c’est de ne pas avoir une deuxième
vie à offrir à mon pays».
Nous nous sommes promis de nous voir une autre fois, si possible à
La Havane et non dans une prison nord-américaine. Après
nous être donné l’accolade, je me préparais
à partir. En le regardant à nouveau je l’ai vu sûr
de lui, à l’écoute, saluant avec le poing levé.
J’ai ressenti le privilège de me trouver auprès
de l’un des meilleurs fils de Cuba.