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Nous sommes à la fin 1969.

 Nous sommes à la fin 1969. Trois généraux du Pentagone reçoivent à dîner quatre militaires chiliens dans une villa de la banlieue de Washington. Leur hôte, alors colonel de l'Armée de l'air chilienne, est Gerardo Lúpez Angulo, qui est aussi attaché à la mission militaire du Chili aux États-Unis. Ses invités chiliens sont des camarades des autres armes. Ce dîner est organisé en l'honneur du directeur de l'École d'Aviation du Chili, le général Carlos Toro Mazote, arrivé la veille en visite d'études. Au menu : une salade de fruits et un rôti de veau aux petits poix, le tout arrosé d'un vin de la lointaine patrie que les sept militaires dégustent, nostalgiques, en pensant aux oiseaux lumineux des plages du Sud, alors que Washington naufrage dans la neige. Leur conversation, en anglais, porte sur le seul sujet qui semble intéresser tous les Chiliens à l'époque : les élections présidentielles du mois de septembre prochain. Au dessert, un des généraux du Pentagone demande ce que ferait l'Armée chilienne si le candidat de la gauche, Salvador Allende, gagnait les élections. Le général Toro Mazote répond alors : « Nous prendrons le Palais de la Monnaie en une demi-heure, même s'il nous faut l'incendier ! »


 Un des convives était le général Ernesto Baeza, directeur de la Sécurité nationale du Chili. Lors du coup d'État, c'est lui qui coordonna l'assaut du palais présidentiel et donna l'ordre d'y bouter le feu. Pendant ces jours agités, deux de ses subalternes deviendront célèbres dans la même journée : le général Augusto Pinochet, président de la Junte militaire, et le général Javier Palacios, qui participa à l'attaque finale contre Salvador Allende.


 Autour de la table se trouvait aussi le général de brigade aérienne Sergio Figueroa Gutiérrez, actuel ministre des Travaux publics et ami intime d'un autre membre de la Junte militaire, le général d'aviation Gustavo Leigh, qui ordonna de bombarder le palais présidentiel avec des missiles. Le dernier invité était Arturo Troncoso, aujourd'hui amiral et gouverneur naval de Valparaíso. Il dirigea la sanglante purge des officiers progressistes de la marine de guerre, après avoir entamé le soulèvement militaire à l'aube du 11 septembre 1973.


 Ce dîner historique fut en fait le premier contact du Pentagone avec des officiers des quatre armes des forces armées chiliennes. Lors des réunions qui suivirent, tant à Washington qu'à Santiago, l'accord final fut scellé : les militaires chiliens plus proches de l'âme et des intérêts des États-Unis prendraient le pouvoir si l'Unité populaire venait à gagner les élections. Cette opération fut planifiée de sang froid, telle une simple manœuvre de guerre, sans tenir compte des conditions réelles du Chili.


 Le plan avait été élaboré d'avance, pas uniquement sous la pression de l'International Telegraph & Telephone (ITT), mais aussi pour des raisons bien plus profondes de géopolitique. Il avait été baptisé Contingency Plan. L'organisme chargé de le mettre en marche était la Defense Intelligence Agency du Pentagone, mais l'instance exécutrice fut la Naval Intelligence Agency, qui centralisa et analysa les données des autres agences, y compris la CIA, sous la direction politique du Conseil national de sécurité. Il était normal que le projet soit confié à la Marine et non à l'Armée, car le coup d'État au Chili devait coïncider avec l'opération Unitas, ensemble de manœuvres des unités américaines et chiliennes dans le Pacifique. Ces manœuvres avaient traditionnellement lieu en septembre, le même mois que les élections. Il était donc naturel que le sol et l'espace aérien du Chili soient remplis de matériel de guerre en tous genres et de soldats entraînés aux arts et aux sciences de la mort.


 À l'époque, Henry Kissinger avait déclaré à un groupe de Chiliens : « Le Sud du monde ne m'intéresse pas et je ne veux rien connaître de ce qui se trouve plus bas que les Pyrénées ». Le Contingency Plan était alors prêt jusque dans les moindres détails et il est impensable que Kissinger n'était pas au courant et que le président Nixon lui-même n'en sache rien.



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