Ouverture
à Panama du procès du terrorriste Posada Carriles
Le Venezuela «réactivera» sa demande d'extradition
PAR JEAN-GUY
ALLARD, envoyé spécial de Gramma International
PANAMA.-
L'arrivée non annoncée de l'ambassadeur du Venezuela au
Panama, Claudio Granado, au Tribunal maritime de cette capitale où
s'est ouvert le procès de Posada Carriles et de ses complices,
a surpris en cette matinée du 15 mars.
Devant
les caméras de la presse, le diplomate a indiqué que son
pays maintient plus que jamais et «réactivera» sa
sollicitude d'extradition du terroriste international, en fonction du
verdict du tribunal panaméen.
«Je
suivrai de près chaque journée du procès, car selon
la décision nous réactiverons notre demande d'extradition,
qui a déjà été formulée», a
indiqué l'ambassadeur.
«La
peine prononcée contre ce monsieur pour le sabotage de l'avion
de Cubana est très faible et ceci est dû au fait que sous
le gouvernement antérieur de la 4e République il existait
une certaine convivialité avec les groupes de terroristes antirévolutionnaires
de
Miami», a-t-il déclaré, précisant que Posada
non seulement doit accomplir la totalité de la peine à
laquelle il a été condamné mais qu'il «est
aussi passible d'une autre sanction pour le délit d'évasion».
Cuba accuse
aussi Posada d'avoir utilisé le Venezuela comme base pour planifier
le sabotage de 1976 perpétré contre la compagnie Cubana
de Aviación à la Barbade, et dans lequel ont péri
73 personnes.
Posada
s'est évadé d'une prison au Venezuela en 1985, supposément
déguisé en prêtre. Il purgeait une peine d'emprisonnement
pour son implication dans le sabotage de 1976. Il est aussi soupçonné
d'être l'auteur intellectuel d'une série d'explosions dans
des zones touristiques de Cuba en 1997.
Informé
des déclarations de l'ambassadeur, l'avocat des terroristes miamiens,
Rogelio Cruz, célèbre au Panama pour sa défense
des parrains de la drogue, a recouru une fois de plus aux insultes et
a qualifié le représentant diplomatique vénézuélien
d'«instrument de Fidel Castro».
«L'important
est ce que dira le Panama», a ajouté Cruz, qui s'est vanté
à d'autres occasions de ses «excellentes» relations
au sein du gouvernement panaméen.
STRICTES
MESURES DE SÉCURITÉ
Le jugement
des terroristes internationaux d'origine cubaine Luis Posada Carriles
et Gaspar Jiménez Escobedo, Pedro Crispin Remon Rodriguez et
Guillermo Novo Sampoll, ainsi que le Cubano-Panaméen César
Matamoros et son employé de nationalité panaméenne
José Manuel Hurtgado Viveros, a débuté vers 10
heures le lundi 15 mars au milieu de rigoureuses mesures de sécurité
dans l'immeuble qui domine la zone
du canal.
Sur le
banc des accusés, tournant le dos aux hautes fenêtres voilées
de papier -pour dissimuler la salle aux caméras de la presse-
les accusés semblent avoir un peu grossi depuis leur comparution
antérieure, lors de l'audience préliminaire.
Tous sont
en costume cravate et Jiménez porte en outre des lunettes fumées.
Le vieux mercenaire a passé la matinée à sucer
des bombons et à bâiller, trouvant visiblement ennuyeuse
la lecture des documents judiciaires.
Le juge
Hoo Justiniani, un grand homme brun, a ouvert la séance en demandant
aux avocats présents -trois d'entre eux ont été
ses professeurs- de respecter scrupuleusement les règles de la
décence.
«Tous
les yeux, au niveau national et international, sont fixés sur
nous», a-t-il dit. Il a reconnu avec franchise qu'il n'a pas été
facile de prendre connaissance des 44 tomes de documents qui constituent
le dossier. Le juge Hoo a été nommé en décembre
pour
présider ce procès, lorsque son confrère Enrique
Paniza a décidé de se retirer, cédant aux pressions
-et aux insultes- de Rogelio Cruz.
Les accusés,
arrêtés en novembre 2000 à l'hôtel Coral Suites
de Panama, tandis que plus de 40 kilos d'explosif militaire étaient
découverts dans leur véhicule, se sont par la suite déclarés
innocents des délits qui leur étaient imputés.
UNE DÉLÉGATION
MAFIEUSE RESTREINTE
Une petite
délégation mafieuse de Miami -moins d'une dizaine de personnes,
en comptant les épouses de Jiménez et Remon- se trouvait
dans la salle d'audience.
En l'absence
des terroristes Santiago Alvarez Fernandez-Magriña, Nelsy Ignacio
Castro Matos, Reinol Rodriguez, et de leurs substituts René Cruz
Cruz, Eusebio Peñalver Mazorra et autres sicaires qui ont conduit
jusqu'à présent les «délégations»
miamiennes à Panama, l'intendance des quatre terroristes a été
confiée par les parrains de
South Florida à Ernesto Abreu, fils d'Ernestino, dont le nom
apparaît sur les fiches d'Alpha 66.
Le séjour
forcé de Posada et de ses complices à Panama est entièrement
financé par les chefs de file de divers groupes extrémistes:
Unidad Cubana, d'Armando Pérez-Roura, Cuban Liberty Council,
de Ninoska Pérez-Castellon et Luis Zuñiga Rey et autres.
Les visiteurs
ont pris place sur un banc, au premier rang, mais ils n'ont pas eu la
«chance» comme lors de l'audience, de se trouver près
de leurs proches inculpés, dont les sièges ont été
éloignés de l'espace réservé au public.
La presse
locale et internationale est au contraire abondamment représentée;
on remarque les agences Reuters, AP, AFP, Notimex et DPA. Quelques heures
après la tragédie de Madrid, toutes utilisent dans leurs
câbles le terme «anticastristes» pour désigner
les quatre terroristes internationaux dont le parcours est jalonné
d'actions
violentes contre Cuba et plusieurs autres pays.
«ICI
LE SANG ALLAIT COULER»
«C'est
un excellent moment pour prouver au monde que le Panama possède
ce que l'on appelle souveraineté, dignité et respect de
ses lois», a déclaré l'avocat demandeur Rafael Rodriguez,
en arrivant au tribunal.
«Ici
le sang allait couler. On allait commettre un attentat contre le peuple
panaméen. Le moment est venu pour ces sicaires, assassins, bandits
et mafieux d'être condamnés une fois pour toutes pour que
jamais, au grand jamais, ils ne reviennent semer le deuil et la douleur
sur la terre de Bolivar, de Marti et de tous nos héros et martyrs.»
L'avocat,
qui représente plusieurs syndicats panaméens, a affirmé
qu'«il existe une montagne de preuves absolument irréfutables.
Nous n'allons pratiquement faire aucun cas des avocats de la défense.
Les aigles ne chassent pas les moustiques».
Dénonçant
les tactiques dilatoires de l'avocat Cruz, Rodriguez a déclaré:
«Ils tendent des rideaux de fumée car ils sont incapables
de justifier les grandes quantités d'argent qu'ils reçoivent».
«Il
y a 12 000 pages du dossier où il est dit qu'ils ont été
accusés de narcotrafic, assassinat, falsification, vol... Le
code pénal tout entier ne suffit pas pour tout ce qu'ils ont
fait.», a-t-il dit.
L'ÉMOTION
DES FAMILLES
L'émotion
était profonde parmi les familles des victimes cubaines de Posada
et de ses complices, à la sortie du tribunal. Dans la rue, des
dizaines d'étudiants et de travailleurs manifestaient leur solidarité.
Lissette
Diaz Francos, fille d'Artaignan Diaz Diaz, a essayé d'expliquer
l'étrange sensation qui l'avait envahie dans la salle d'audience,
assise juste en face de Gaspar Jiménez Escobedo, le terroriste
qui a abattu son père dans une rue de Mérida, Mexique,
il y a 28 ans.
«Ce
fut un moment assez pénible... J'ai ressenti un mélange
d'indignation, de colère, de peine... de souffrance», a-t-elle
dit. «C'est dommage qu'il ait porté des lunettes noires,
car j'aurais voulu voir ses yeux. Je l'ai regardé tout le temps.
Je me disais: il faut que je le regarde pour voir si ce visage dit quelque
chose».
«Parfois
les yeux parlent», conclut-elle.
Des parents
des victimes de Posada assistent au procès des quatre terroristes
internationaux
DES membres
des familles des victimes de Luis Posada Carriles et de ses complices
assistent au procès intenté aux quatre terroristes internationaux.
Parmi eux
se trouve Lissette Diaz Francos, fille d'Artaignan Díaz, assassiné
au Mexique le 23 juillet 1976 par Jiménez Escobedo. Jiménez,
qui a fui la justice mexicaine après sa condamnation pour ce
crime, comparaît aujourd'hui aux côtés de Posada
et de deux autres terroristes de Miami, Guillermo Novo Sampoll et Pedro
Remon Rodriguez.
Ont également
voyagé à Panama Domingo Garcia, frère de Félix
Garcia Dominguez, abattu à New York le 11 septembre 1980 par
Pedro Remon; Victor Negrin Santos, frère de Eulalio José
Negrin, assassiné à Union City, New Jersey, sous les yeux
de son fils de 9 ans, également par Remon; et Carlos Alberto
Cremata Malberti, fils de Carlos Cremata
Trujillo, mort dans l'explosion en plein vol de l'appareil de Cubana
de Aviación, le 6 octobre 1976 à la Barbade, un crime
pour lequel Posada Carriles fut emprisonné au Venezuela, d'où
il s'évada.
«On
dirait que c'est hier...», a dit Lissette en évoquant la
tragédie où son père trouva la mort. Outre sa propre
douleur, elle fut témoin des longues années de souffrance
vécues par sa mère.
«J'ai
doublement souffert. Ma mère n'a plus jamais été
la même. Elle ne s'en est jamais remise. Elle a contracté
un diabète émotionnel qui a progressivement miné
sa santé. Elle souffre en ce moment d'insuffisance rénale
en phase terminale... »
