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CUBA DANS LE CONTEXTE LATINO-AMERICAIN, (SPECIALEMENT VENEZUELIEN ET COLOMBIEN)

Rémy HERRERA

Conférence donnée à Genève, le 19 mars 2004,

pour la manifestation internationale de solidarité avec Cuba

lors de la 60e session de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU

Nous le savons toutes et tous, nous qui aimons Cuba, nous qui la soutenons aujourd’hui plus que jamais, en ces temps de menaces de guerre et de terrorisme : la révolution cubaine est le produit de l’histoire des luttes du peuple cubain —celles des esclaves rebelles, des héroïques mambis des guerres d’indépendance, celles des macheteros du sucre, des paysans sans terre, celles de tout un peuple, celles de Martí, de Baliño, de Mella, de Fidel.

Mais elle est pour nous plus que cela : la révolution cubaine porte en elle quelque chose d’universel. Comme toutes les grandes révolutions de l’histoire : la révolution haïtienne de la fin du XVIIIe siècle, celle emmenée par Simon Bolivar au XIXe siècle, les révolutions mexicaine, russe, chinoise, vietnamienne au XXe siècle… La révolution cubaine porte en elle, et apporte à tous les peuples du monde, des idéaux et des principes, dans lesquels tous les progressistes, quels que soient leur pays, leur courant, leurs référents théoriques ou idéologiques, se reconnaissent et pour lesquels ils luttent, ensemble. Ces idéaux, ces principes, qui nous sont si chers, ce sont ceux d’émancipation sociale, de libération nationale, de justice, d’égalité, de fraternité humaine.

Voilà pourquoi les ennemis de Cuba ne peuvent lui pardonner d’exister, de continuer à exister, à vivre, debout, courageuse, digne, fière. C’est pour cela qu’ils déchaînent contre elle tant de haine et de calomnies, qu’ils perpétuent contre elle tant d’actes terroristes depuis 1959, qu’ils la menacent aujourd’hui d’une guerre. Comme ils utilisent la subversion et menacent de guerre la révolution bolivarienne au Venezuela. Comme ils utilisent le terrorisme étatique et paramilitaire contre les guérillas —peuple en armes— en Colombie.

Parce que les rêves et les utopies que le peuple cubain a transformé en réalité par sa révolution —la réforme agraire, la lutte contre la faim, la campagne d’alphabétisation, la santé pour tous, la participation du peuple à la construction de la société— restent d’actualité, d’une extraordinaire actualité, en même temps qu’une urgente nécessité, pour les peuples d’Amérique latine et des Caraïbes : d’Haïti à la Bolivie, du Brésil de Lula au Salvador de Schafik, sur tout le continent.

Défendre la révolution cubaine, pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle a su conquérir, construire, consolider en 45 ans d’existence, pour ce qu’elle symbolise aussi d’espérances et d’expériences aux yeux des peuples en lutte, partout, au Moyen Orient, en Asie, en Afrique, en Europe aussi, défendre notre Cuba révolutionnaire, c’est défendre le droit de tous les peuples du monde à la souveraineté nationale et au développement juste, c’est défendre notre droit à tous de construire pour nous, pour nos enfants, pour tous les enfants, une société meilleure, un monde meilleur.

Nous sommes réunis pour dire aux Cubaines et aux Cubains que, partout où nous serons, nous nous tiendrons toujours à leurs côtés. Pour mille raisons, et peut-être davantage. Mais l’une d’elles me semble plus décisive que les autres. Cette raison, la voici : ce que nous donne Cuba, à nous tous, mais d’abord à ses frères d’Amérique latine et des Caraïbes, ce qu’elle nous donne de plus précieux, c’est la preuve qu’il est possible de résister.

Le peuple cubain résiste.

Il résiste à l’impérialisme. Un peuple tout entier affronte l’impérialisme, quoiqu’il lui en coûte. Et il lui en coûte beaucoup, de souffrances, de privations. Il lui en coûte un blocus, guerre non déclarée, crime contre l’humanité. Il lui en coûte d’innombrables actes terroristes, perpétrés par ceux-là même qui prétendent lutter contre le terrorisme. Il lui en coûte d’être aujourd’hui menacé d’une guerre.

Comment accepter cela, comment tolérer pareille violence ? Soutenir l’anti-impérialisme de Cuba, c’est ne pas accepter l’inacceptable, c’est ne plus tolérer l’intolérable. C’est dire non au blocus imposé unilatéralement par les États-Unis, au mépris de la volonté de la quasi totalité des membres des Nations unies. Non au terrorisme d’État orchestré par les États-Unis et leurs seconds couteaux de Miami. Non à la logique de guerre et à l’abîme de terreur et de destruction dans lequel l’impérialisme a plongé le peuple irakien, et avec lui l’humanité toute entière.

Défendre la révolution cubaine, et sa sœur bolivarienne du Venezuela, c’est encore dire non à l’ALCA, la Zone de Libre Échange des Amériques voulue par les États-Unis, et contre laquelle luttent les gouvernements cubain et vénézuélien, côte à côte, comme l’immense majorité des peuples latino-américains. Car l’Amérique latine n’est pas à vendre.

Mais Cuba résiste aussi au néolibéralisme, à cette stratégie de pillage planétaire imposée par la finance états-unienne, par la fraction la plus puissante des classes dominantes du pays le plus puissant du système mondial. Mieux, le peuple cubain, et son gouvernement révolutionnaire, résiste au capitalisme, et continue d’affirmer sa volonté de construire une alternative à l’exploitation et à la loi du profit, un projet social —qui se revendique toujours socialiste— où priorité absolue est donnée aux besoins du peuple, à la maîtrise par le peuple de son devenir collectif, à l’indépendance nationale, à la solidarité internationaliste.

S’agit-il pour nous de présenter Cuba comme un modèle ? Bien sûr que non. Chaque peuple doit trouver dans la lutte la voie de son émancipation, son alternative propre, adaptée aux conditions qui régissent sa formation sociale. S’agit-il de dire que Cuba est un paradis terrestre, que tout y va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que la révolution est parfaite ? Certainement pas, car les difficultés qu’impliquent ce choix collectif, assumé par le peuple cubain, de construire une alternative, ces difficultés sont réelles, gigantesques, et accentuées par le blocus.

La dollarisation, la pénétration des mécanismes de marché, l’introduction du capital étranger, le tourisme, posent des problèmes, des problèmes très sérieux, que tous les Cubains connaissent et dont ont conscience les dirigeants de la révolution. Les inégalités sociales se sont accrues, pour la première fois depuis 1959. Des efforts considérables doivent être déployés pour renforcer les valeurs de la révolution, l’esprit de solidarité. Mais faut-il oublier l’essentiel ?

L’essentiel, c’est que la façon dont ont été conçues et mises en œuvre les réformes économiques, qui étaient indispensables pour sauver la révolution après la chute de l’Union soviétique, est toute entière tournée vers la satisfaction des besoins nationaux, est toute entière placée au service du peuple. L’État est resté et reste à Cuba au service de son peuple. Les piliers du système social, très ébranlés par la crise, sont restés debout : l’éducation et la santé sont gratuites, on n’y démolit pas les retraites ni la recherche, il n’y a quasiment pas de chômage et obligation faite aux pouvoirs publics de trouver un nouvel emploi aux travailleurs des entreprises en restructuration. Pourquoi ? Soyons clairs : parce que la révolution refuse le retour au capitalisme, parce que Cuba reste socialiste.

Les réformes ont été menées à Cuba sans privatisation, sans recours à l’accumulation de capital privé, sans retour même au salariat privé, sans soumission à la loi des marchés financiers. Aucune école n’a été fermée, aucun hôpital n’a été fermé, même en zones rurales, malgré la crise des années 1990 et le renforcement du blocus au milieu de la décennie. Cuba a fait le contraire des plans d’ajustement structurel que le FMI impose au Sud : elle a augmenté les dépenses sociales, au plus fort de la crise.

Encore une fois, des problèmes, il y en a. Qui le nie ? “¡Apagon!”, “la guagua que se fue...”, “el telefono roto ayer por la noche...”, “y ahora el agua que no viene...”, “no hay pollo hoy...”, ça, c’est Cuba. Mais Cuba c’est aussi, Cuba c’est surtout qu’il y a de l’électricité pour tous, qu’il y a de l’eau pour tous, qu’il y a de la nourriture pour tous, garanties au peuple à prix extrêmement bas. Vrai ou faux ?

Le peuple cubain a fait le choix —et il l’assume— de rester maître de son destin, libre, indépendant, et de poursuivre sa difficile construction d’une société humaine, tout simplement humaine, une société où le bien-être et la joie des enfants passe avant tout (de tous les enfants, même ceux de Tchernobyl, des bidonvilles d’Amérique latine ou des ghettos de Soweto, soignés par des médecins cubains pour qui l’internationalisme est la vie de tous les jours) ; une société où personne ne meurt de faim ni ne dort dans la rue ; une société où il est pensable de sortir de chez soi sans recevoir un coup de couteau ou de revolver.

Les droits de l’Homme ? Il y a effectivement des violations des droits de l’Homme sur l’île, extrêmement préoccupants… mais c’est à Guantanamo. Le seul endroit où les droits de l’Homme sont violés à Cuba, c’est à Guantanamo. Le seul endroit où l’on torture, c’est à Guantanamo. Le seul endroit où des individus sont emprisonnés sans jugement, sans défense, c’est à Guantanamo. Le seul endroit où des enfants, des adolescents, des mineurs sont emprisonnés, c’est Guantanamo. Guantanamo, zone de non-droit, base militaire que les États-Unis occupent en territoire cubain, partie du territoire cubain que les États-Unis ont volé à Cuba.

Demain, il y aura juste un an (le 20 mars 2003) que les États-Unis attaquaient l’Irak, dans les conditions que l’on sait : par le mensonge d’État, par la manipulation des consciences, par la violation du droit international, par le mépris des Nations unies et de l’opinion publique internationale, par le bombardement d’un peuple… Sous les bombes états-uniennes, il n’y avait pas que Saddam Hussein et les dirigeants du parti Baath, mais tout un peuple.

La campagne anti-cubaine, faite de mensonges, de combien de calomnies, menée sous la pression de l’extrême droite états-unienne, cause autant de mal à Cuba qu’à l’Europe. Elle montre en effet que l’Europe est incapable de penser de façon autonome, de s’informer de façon autonome, de se positionner de façon autonome. Elle révèle que l’horizon indépassable de certains européens est l’alignement servile sur la politique de Washington. Rétablir la vérité sur Cuba, c’est aussi lutter pour la démocratie en Europe, c’est lutter pour la liberté de penser, de s’informer, d’informer, de se positionner… en Europe.

Ce que la résistance cubaine montre finalement, et au fond, à l’Amérique latine et caribéenne, c’est en particulier que :

1) la fidélité aux principes est la clé de tout, la clé du succès de toutes les forces progressistes ;

2) la prise du pouvoir d’État reste un objectif central pour toutes les forces progressistes ;

3) cet objectif suppose réunies des conditions sine qua non, parmi lesquelles l’organisation efficace des forces progressistes, unies, et d’abord des forces révolutionnaires ;

4) la prise du pouvoir sans exercice réel de ce pouvoir comporte le danger de désintégration du bloc des forces progressistes ;

5) l’exercice du pouvoir d’État une fois conquis, pour la transformation radicale des structures de la société, est impossible sans mobilisation massive et participation active du peuple ;

6) le choix de l’alternative anti-impérialiste et anti-capitaliste, pour un monde plus juste et démocratique, est possible ;

et 7) ce choix fondamental, indispensable, est le premier pas à faire vers le socialisme.

sources : Association France-Cuba
Comité local du lyonnais



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